Pomme et les travaux

Je ne l’avais pas vu venir…
Quand des bûcherons sont venus couper les arbres de la rue transversale, j’ai eu le coeur gros, et je n’ai pas compris tout de suite pourquoi devoir construire un bâtiment justifiait le fait d’abattre ces arbres qui bordaient le trottoir d’en face.
Puis les travaux ont commencé.
Depuis le balcon où elle suit l’avancement des opérations perchée sur ses pattes arrières et appuyés contre le muret, Pomme a vu comme moi de grandes palissades être érigées autour de ce qui s’est révélé être un énorme chantier.
Peu à peu, le dernier espace vert où pousse des touffes de muguet chaque année, a été voué à recevoir d’immenses tuyaux et du matériel de construction.
La rue a été barrée et l’est toujours.
Deux grues ont débarqué un matin et ne sont plus reparties depuis.
Et, depuis deux semaines, notre propre rue est barrée.
Mon Capitaine m’a annoncé avant-hier que les autorités ont décidé de profiter de l’occasion pour s’attaquer au réseau d’eau du quartier, ce qui présage des travaux supplémentaires.

Hier, Pomme dormait ou faisait semblant de dormir, dans son panier, me surveillant d’un oeil pendant que j’écrivais.
Tout à coup, un bruit lancinant a couvert ceux, déjà importants, du chantier.
J’ai fermé la porte du balcon, mais le bruit semblait entrer dans l’appartement par toutes les fenêtres.
Je les ai donc fermées une à une, jusqu’à arriver à celles qui donnaient sur la rue, au salon.
C’est là que j’ai vu l’énorme véhicule jaune qui traite les égouts dans un fracas étourdissant.
– Ah, d’accord… c’est lui le grand responsable!

En entendant ma voix, Pomme a voulu voir, elle aussi.
Elle a sauté sur le canapé pour s’appuyer au bord de la fenêtre où, en se tordant le cou, elle a tenté de voir elle aussi quelle était la cause du boucan qui semblait beaucoup l’agacer.
J’ai eu pitié de ses lamentables efforts:
– Tu veux voir, toi aussi?
En moins de trois secondes, elle était dans mes bras, et je me suis approchée de la fenêtre devant laquelle le camion oeuvrait, inconscient de l’intérêt qui lui était porté.
J’ai vu les oreilles de Pomme changer de position.
Elle regardait cette drôle de bête avec stupéfaction.
Puis elle a légèrement grogné, histoire de marquer sa désapprobation, et a tourné la tête vers moi, comme si elle attendait une explication:
– Oui, je sais, c’est ennuyeux… mais il va partir dès qu’il aura fini!

Un peu plus tard, je l’ai sortie.
Dans le jardin, mon Mogwaï a foncé vers le grillage qui le sépare de la rue, histoire de vérifier si le monstre jaune était encore là.
Quand elle a constaté que l’ennemi n’était plus en vue, elle s’est prudemment avancée vers la rue.
Elle s’est tournée vers la droite, du côté des travaux, et a adopté sa posture de grande observation.
Une patte en l’air, très attentive à tout ce qui se passe, elle a entendu comme moi les cris d’ouvriers qui semblaient s’invectiver derrière les palissades.
Et là, comme si c’était la goutte qui faisait déborder le vase, elle a poussé un petit aboiement strident.
Sa façon à elle de marquer sa désapprobation.
Cela n’a rien changé au chahut des travaux, mais elle a semblé soulagée.
Elle a repris le chemin de la maison, passant dignement devant moi, a franchi la porte d’entrée restée ouverte, et est remontée terminer sa sieste.
Foi de bichon, ce n’est pas un intrus, aussi jaune et bruyant soit-il, qui viendra perturber son sommeil!

Martine Bernier

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