Petites histoires: cher grand-père Arpagon

– Les courses de Noël… Rien que d’y penser, ça me stresse! Il va bien falloir que je me décide… Note que c’est juste par flemmardise que je m’y prends tard, pas par avarice. Je ne suis pas comme mon grand-père!
– Pardon?
– Je l’adorais. C’était un homme très drôle, gentil, mais très près de ses sous. Quand j’étais fâché sur lui, je lui disais qu’il avait dû servir de modèle à Molière pour écrire son Avare! Je n’avais pas vraiment la notion des sièclesQuand j’étais ado, je lui tondais sa pelouse le dimanche. Pendant longtemps, je l’ai fait gratuitement. Et puis un jour, je lui ai dit que, comme tout travail mérite salaire, j’aimerais bien qu’il me donne quelque chose…
– Il a été d’accord?
– Et bien… il m’a demandé combien il me donnait jusqu’ici. J’ai répondu: « Rien, zéro franc! ». Il a réfléchi et m’a dit que j’avais raison et qu’il allait tripler la mise.
– …
– Tu as comme un doute, c’est ça? Moi, je n’en ai pas eu! Le dimanche suivant, je suis revenu, j’ai tondu la pelouse et j’ai été lui réclamer mon dû. Il m’a embrassé, remercié et… c’est tout! J’ai insisté en lui disant: « Mais Papy, tu n’avais pas dit que tu allais tripler mon salaire? ». Il m’a souri en disant: « Trois fois zéro, ça fait combien pour toi? »

– Comment as-tu réagi?
– C’est là que je lui ai parlé de Molière et de son Avare! Tu penses: à 13 ans, j’étais vexé!!! Heureusement, il y avait ma une grand-mère. Dans la semaine, elle m’a envoyé un petit mot avec un billet glissé dedans. A mon avis, il a dû se prendre  une bonne semonce!
– Tu es retourné faire sa pelouse?
– Tous les dimanches durant la belle saison, jusqu’à sa mort! Parce que ce que je ne t’ai pas dit, c’est qu’il avait un petit atelier dans lequel il fabriquait des tas de choses. Il avait entre autres des moules qu’il utilisait pour réaliser des soldats de plomb qu’il 
peignait. A chaque fois que je terminais la pelouse, il m’en offrait un. Aujourd’hui… j’ai une véritable petite armée à laquelle je tiens comme à la prunelle de mes yeux et dont j’ai déjà raconté l’histoire à mes petits-enfants qui en sont fous…

Martine Bernier

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