Il faisait -10 degrés en quittant le Valais hier matin… et -12 en arrivant sur les bords du lac de Joux, déjà partiellement gelé.
C’est là que je devais rencontrer G*.
Je ne vais pas révéler le sujet de l’article qui ne paraîtra pas avant quelques semaines, mais j’avais envie de parler des dessous de cette rencontre très particulière.
Ce n’est pas une, mais deux personnes que j’ai découvertes, puisque l’épouse de mon hôte était présente elle aussi.
Deux personnalités belles et attachantes, avec lesquelles le courant est passé très vite.
Sur le buffet de la cuisine, dans un angle où se trouvaient plusieurs clichés de famille, trônaient deux portraits plus grands que les autres.
Ceux de deux jeunes aux regards francs, droits.
Mes interlocuteurs m’ont raconté qu’il s’agissait de deux de leurs petits-enfants, décédés tragiquement dans un accident il y a trois ans.
Ils étaient cousins.
Leur départ a ravagé l’ensemble de la famille et a plongé la vallée dans le chagrin.
Une de ces douleurs abominables dont on ne se remet pas.
La maison et le paysage étaient enneigés.
Devant la petite fenêtre de la cuisine, des mésanges fréquentaient assidûment la mangeoire installée à leur attention.
Par l’autre grande fenêtre offrant une vue magistrale sur le lac, nous pouvions voir le nuage de vapeur qui semblait voleter au-dessus de l’eau.
G* m’a expliqué que ces signes indiquaient que le lac allait complètement geler dans les prochains jours.
Nous avons parlé longtemps.
Une interview est comme une poupée gigogne.
En fonction de l’occasion, du moment et du contact qui s’établit, les personnes se dévoilent plus ou moins.
Certaines restent cantonnées dans le sujet pour lequel elles ont été sollicitées, d’autres vont plus loin.
Dans le cas présent, au bout de quelques heures, nous n’étions plus vraiment dans une interview.
Mais il faut avouer que plusieurs éléments y contribuaient.
Nous avions dépassé ce stade.
Certaines poupées gigognes sophistiquées contiennent jusqu’à cinq ou six figurines.
J’en possède une de ce genre.
La dernière a la taille d’un grain de riz: je l’appelle « l’âme ».
Hier, c’est à cette étape ultime et si précieuse que mes hôtes m’ont permis d’accéder.
Sachant que ce qui a été confié ne sortira pas de cette bulle d’intimité.
Ce couple fait partie de ceux que je n’oublierai pas…
Martine Bernier
*Je ne livre pas le prénom de mes hôtes tant que l’article n’est pas paru dans le magazine Générations pour lequel il est prévu. Mais ils se reconnaîtront…