La conversation

Hier, en fin d’après-midi, j’étais dehors avec Pomme lorsque l’une de mes voisines s’est approchée.
Avec cette dame, retraitée depuis quelques années déjà, nous n’avons jamais vraiment eu d’atomes crochus.
Nos contacts se limitaient à de courts échanges polis, sans plus.
Hier, donc, je regardais la montagne qui se trouvait en face de moi.
Elle était auréolée de nuages menaçants et baignait dans une lumière étrange.
Le spectacle était magnifique.
Si beau que, lorsque la voisine est apparue, je le lui ai désigné.
Elle a eu l’air sensible à la beauté de l’instant, et m’a demandé:
– Vous connaissez Leysin?
J’ai été un peu surprise de sa question, mais j’ai répondu:
– Plutôt bien, oui… j’y ai habité pendant 20 ans.
– Ah bon? Moi aussi, j’y ai vécu.

Et elle m’a raconté…
A 18 ans, elle a été envoyée en sanatorium.
Leysin était alors réputé pour recevoir et soigner notamment les personnes atteintes de tuberculose.
Elle a passé une année sur place avant d’être envoyée dans un autre établissement où elle est encore restée une deuxième année.
J’étais stupéfaite…
Jamais elle n’avait parlé d’elle ainsi.
Je  lui ai raconté l’histoire de mon grand-père, gazé pendant la guerre, qui avait lui aussi été soigné dans la station.
Et nous avons longuement évoqué le passé médical de Leysin avant qu’elle ne me parle de son enfance en compagnie de son frère, lourdement handicapé.

En six ans, nous n’avions jamais parlé aussi longuement.
Et jamais d’un sujet profond.
Lorsque nous nous sommes séparées, nous ne nous regardions plus de la même façon.

Martine Bernier

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