Certaines instants nous marquent à jamais.
Certains ne durent qu’une ou deux minutes voire quelques secondes, mais nous laissent un souvenir ineffaçable…
C’est le cas pour une vision fugitive que j’ai vécue en Ouzbékistan, en plein désert.
C’était en 2008, je crois.
Ma Rédaction m’avait demandé d’accompagner un « voyage lecteurs » organisé conjointement par notre journal et une agence de voyage.
Je traversais des moments très douloureux dans ma vie personnelle, et j’avais accepté… parce que je n’ai jamais pu dire non à la perspective d’une aventure intéressante.
J’avais une motivation secrète: pour les besoins d’un livre que je commençais à préparer (et dont je reprendrai l’écriture l’an prochain), je voulais découvrir la Route de la Soie, les caravansérails, ces paysages et ces atmosphère d’Asie Centrale.
Le voyage était passionnant mais éprouvant.
Et c’est ma rencontre avec le désert de Karakoum qui m’a valu ce souvenir ineffaçable…
Ce jour-là, nous prenions la route pour rejoindre la ville de Khiva.
Des heures et des heures à traverser ce désert piqué d’arbustes dont l’acacia des sables.
La route était asphaltée, et par endroit recouverte de sable soufflé par le vent.
De petites dunes s’effaçaient et se reconstituaient ailleurs sous l’effet de ce vent constant.
Je me trouvais devant dans le car, avec les chauffeurs et notre guide.
Dans la journée, alors que nous roulions toujours, j’ai soudain vu apparaître devant nous une silhouette.
Il s’agissait d’un homme.
Armé d’un balai, il balayait le sable de la route, que le vent redéposait aussitôt.
Il n’y avait aucun véhicule, aucun animal, pas une habitation aux alentours.
Et il était là, apparemment tout seul, à s’adonner à une tâche qui semblait parfaitement inutile.
L’espace d’un instant, je me serais cru dans le « Petit Prince », seul livre capable de faire apparaître des personnages aussi improbables et poétiques…
Il nous a adressé un signe en passant.
J’ignore pourquoi cette image m’a marquée à vie.
J’y repense de temps en temps.
Qui sait, peut-être un jour croiserais-je en bord de mer une autre personne décidée à vider l’océan à l’aide d’une cuillère…
Martine Bernier