Compliqué, la Francophonie!

J’ai passé ma jeunesse et mon adolescence en Belgique, puis quarante ans en Suisse et quelques années déjà en France.
Trois pays francophones, donc.
Pourtant, chacun de ces pays utilise des mots différents pour désigner certains objets, à tel point qu’il m’arrive de devoir réfléchir  pour trouver celui qui me rendra compréhensible aux oreilles de mon entourage.
Deux exemples reviennent constamment.
Le premier concerne les chiffres.
En Belgique, nous comptons: cinquante, soixante, septante, quatre-vingt, nonante, cent.
Ne me demandez pas ce que ce quatre-vingt vient faire là: je ne l’ai jamais compris.
En Suisse, les chiffres sont les mêmes à l’exception du quatre-vingt qui est remplacé par huitante. C’est à mon sens la façon la plus logique de compter.
Et en France, qui détient à mes yeux la palme de la complication, les chiffres tournent à l’addition permanente avec soixante, soixante-dix, quatre-vingt, quatre-vingt-dix.
Je m’efforce sagement de m’adapter et de « parler français », mais j’avoue que parfois, je suis troublée, notamment lorsque l’on me dicte un numéro de téléphone.
Autre exemple sur lequel je bute régulièrement…
En Belgique, pour se sécher après la douche, on utilise un « essuie ».
En Suisse, ce mot est inconnu: là, on prend un linge.
Et en France, aucun de ces mots n’est utilisé dans ce sens: on utilise une serviette.
Difficile pour moi de savoir comment désigner ces autres « essuies » qui pendouillent près de l’évier de la cuisine, l’un pour les mains, l’autre pour la vaisselle.
Tous deux sont pour moi des essuies, un point c’est tout.
Ce lundi matin, au petit-déjeuner, je demandais à mon Capitaine: « Mais… alors, comment appelles-tu ces… torchons? »
Torchon étant presque un gros mot pour un essuie puisqu’il désigne… une serpillère.
Mon Capitaine m’a répondu: « Et bien… des torchons! »
– Mais! Et pour le linge de bain, tu dis serviettes! Pour  moi, une serviette, c’est ce qu’on met sur la table à côté de l’assiette!
– Non: il y a la serviette de bain et la serviette de table. Le linge de bain c’est l’ensemble de ce que l’on utilise et l’essuie… ça n’existe pas ici. Et le torchon est un chiffon pour faire le ménage.

Je n’ai pas osé lui avouer qu’en Belgique, un chiffon est une… loque.

La conversation a continué dans la voiture.
Je lui ai expliqué que beaucoup de mots qui me viennent de mon passé belge sont totalement obsolètes en France comme en Suisse, ce qui me complique parfois la vie.
Et je lui ai cité quelques exemples qu’il n’avait pour la plupart jamais entendus: un baxter pour une perfusion , la fancy-fair pour la fête que l’école faisait chaque année pour récolter des fonds, le GSM pour le téléphone portable (qui s’appelle natel en Suisse!)…
J’ai passé sous silence la plasticine pour la pâte à modeler, la ramassette pour la pelle à poussière (ramassoire en Suisse!), la tirette pour la fermeture-éclair, la farde pour un classeur, les crolles pour les boucles de cheveux, le carrousel pour le manège forain ou le célèbre cumulet pour la culbute.
J’en passe, et des meilleures…

Ma chance, dans tout cela? 
Ne pas avoir passé dix ans au Québec en prime.
Je crois que là… j’y aurais perdu mon latin… comme mon correcteur orthographique qui, en ce moment, souligne en rouge les mots de mon texte en se demandant si j’ai encore toute ma tête!

Martine Péters



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