La douce blogueuse du temps jadis…

En septembre 2015, je consacrais un premier article à une femme écrivain fascinante: Sei Shônagon, auteure de l’un des grands classiques de la littérature japonaise: « Notes de chevet », ouvrage faisant partie du genre « sôshis » (écrits intimes).
Pour mémoire, elle était Dame de la Cour impériale japonaise au XXIème siècle, attachée à la princesse Sadako décédée en l’an 1000.
Je me suis un jour arrêtée à ce livre dans les rayons d’une librairie,  sans savoir à cette époque que Sei Shônagon compte parmi les plus illustres écrivains féminins du Japon.
J’ai eu de la chance lorsque j’ai acheté l’ouvrage… je l’avais trouvé édité en français chez Gallimard en 1966,  traduit avec élégance du japonais par André Beaujard.
Une perle…

Impossible de ne pas tomber sous le charme de cette écriture merveilleuse, et de la démarche de cette femme qui, durant son séjour à la Cour de l’Empereur Ichijō, a tenu une sorte de journal composé  de listes, de poésies,  d’historiettes, de réflexions et d’observations.
Ces lignes ont été écrites entre 1000 et 1010… et continuent à nous parler.
Sans le savoir, en confiant à ses feuillets ce qu’elle ressentait et ce qui la touchait d’une manière ou d’une autre, Sei Shōnagon a donné vie à un joyau qui allait non seulement lui survivre, mais également devenir célèbre dans le monde entier.
Certains pourraient voir en elle l’ancêtre des blogueuses d’aujourd’hui.
Une blogueuse raffinée, cultivée et intelligente, animée par son envie de partager ses goûts et ce qui l’entoure…
Son livre est non seulement un bonheur d’écriture, mais est aussi une source de savoir et de découvertes nous permettant d’ouvrir une fenêtre sur une époque et une culture très éloignées de nous. 
Cette semaine, j’ai racheté deux exemplaires du même ouvrage: la version minimaliste « Choses qui rendent heureux et autres notes de chevet » parue dans la collection Folio Sagesses et « Notes de Chevet » traduite et commentée par André Beaujard dans la collection Connaissance de l’Orient, chez Gallimard/Unesco. 

Et j’attends l’arrivée de l’une des versions les plus belles à mes yeux: celle des éditions Citadelles & Mazenod, rééditée en 2018.
J’y retrouverai également le texte traduit par André Beaujard, cette fois illustré par les dessins d’Hokusaï.
Si je me procure régulièrement tous les livres des auteurs que j’apprécie, ils sont en revanche très rares dans ma bibliothèque les ouvrages dont je possède plusieurs versions.
Seule Alice au Pays des Merveilles connaissait ce sort jusqu’ici.
Depuis plusieurs années maintenant, la Dame du Palais a rejoint Lewis Carroll à mon tableau d’honneur…

Et si vous n’avez pas encore eu l’occasion de lire ce livre, voici quelques extraits de ses fameuses listes, composées de précieux petits riens…

Choses qui gagnent à être peintes

Un pin. La lande en automne. Un village dans la montagne. Un sentier dans la montagne. La grue. Le cerf. Un paysage d’hiver, quand le froid est extrême. Un paysage d’été, au plus fort de la chaleur.

Choses qui émeuvent profondément.

A la fin du neuvième mois ou au début du dixième, la musique des grillons qui vous parvient, si faible qu’on ne sait dire si on l’entend ou non.
Une poule étalée sur ses poussins, pour les protéger.
Tard en automne, les gouttes de rosée qui brillent comme des perles de toutes sortes sur les roseaux du jardin.
Le soir, quand le vent souffle dans les bambous, au bord de la rivière.
S’éveiller à l’aube, et aussi s’éveiller la nuit, c’est toujours émouvant.
Un village dans la montagne, sous la neige.
La lande en automne.
De très vieux bonzes qui font leurs pieux exercices.
Une chaumière délabrée où grimpe et s’accroche le houblon, avec un jardin où croissent à l’envi l’armoise et les herbes folles, lorsque la clarté de la lune les illumine sans laisser un coin sombre, et que le vent souffle doucement.

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