La légende Balzac

Honoré de Balzac n’était pas seulement un écrivain visionnaire. Il avait aussi des habitudes de travail parfois un peu singulières.
Pour ne pas se perdre dans le dédale de ses innombrables personnages, il utilisait un système bien à lui : des figurines en carton.
Chacune d’entre elles représentait l’un de ses héros, ce qui lui permettait de les visualiser et de s’assurer qu’il se souvenait toujours de leur place dans l’univers complexe qu’il construisait chaque jour.
Lorsque l’un d’eux venait à disparaître, victime des aléas du récit, Balzac renversait la figurine, scellant ainsi définitivement son sort.
J’ai toujours été fascinée par ce rituel qui était également un outil d’organisation.
Cependant, un jour, cet équilibre a été perturbé.
Non par un manque d’inspiration ou par un rebondissement mal orchestré, mais par un geste bien plus banal: une maladresse de sa femme de ménage.
Alors qu’elle s’appliquait à maintenir l’ordre dans ce chaos créatif, elle renversa par mégarde toutes ces figurines.
J’imagine la panique de la dame en question devant ces dizaines de personnages, jusqu’alors bien rangés dans l’esprit de leur créateur, soudain éparpillées au hasard.
Un véritable tremblement de terre littéraire.
La légende raconte que Balzac, en découvrant ce désastre, n’en a été que légèrement contrarié.
Pour cet écrivain habitué à jongler avec la vie et la mort de ses personnages, ce n’était, dit-on, qu’une petite perturbation, une rébellion miniature de son univers en carton.
J’aurais donné beaucoup pour assister à la scène et pour découvrir comment il s’est sorti de cette ornière!

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