
J’ai un jour écrit un texte sur un tableau qui me fascine depuis des années: Magdalena-Bay, vue prise de la presqu’île des Tombeaux, au nord du Spitzberg; effet d’aurore boréale, peint par Jean-François-Auguste Biard.
Ce tableau me hantait.
J’avais cherché à le voir au musée du Louvre, mais il n’était plus accroché à l’époque.
Je précise qu’aujourd’hui, il est à nouveau visible au Louvre dans la salle 946 de l’AIle Sully, Niveau 2.
L’arrière-plan de cette oeuvre est sublime.
Un paysage glacé du Spitzberg, un décor impressionnant… mais au premier plan, des corps morts gisent dans la neige.
Je ne comprenais pas le sens du tableau, et m’entendre dire qu’il s’agissait d’une vision romantique du peintre ne me satisfaisait pas.
Jusqu’à ces derniers jours où j’ai reçu un commentaire sur Ecriplume, suite à ce texte.
Une personne m’a écrit que je trouverais mon explication dans un livre : Voyage d’une femme au Spitzberg.
Ce livre a été écrit par Léonie d’Aunet, qui a été l’a compagne l’épouse du peintre Biard et qui l’a accompagné lors d’un voyage dans l’Arctique en 1839, alors qu’ils étaient fiancés.
J’ai commandé ce livre, disponible en Poche.
Je l’ai lu, et j’ai été happée par l’écriture de Léonie.
Elle raconte ce voyage à travers des lettres envoyées à son frère, décrivant avec talent la beauté et la rudesse du Grand Nord.
Et au fil des pages, j’ai enfin trouvé la clé du mystère du tableau…
Lors de leur passage à Magdalena Bay, qu’elle appelle la Baie de la Madeleine, Léonie et ses compagnons, dont Biard, ont fait une découverte glaçante: des restes humains, des squelettes et des cadavres abandonnés sur la banquise.
Il s’agissait de marins et de chasseurs, venus exploiter les ressources du Grand Nord, mais qui n’avaient pas survécu aux conditions extrêmes.
Léonie décrit cette scène avec émotion et effro : des corps figés par le froid, certains encore enveloppés dans des vêtements gelés. C’était une vision de désolation, un témoignage silencieux de la dureté de l’Arctique et du destin tragique de certains de ceux qui s’y aventuraient.
En peignant Magdalena Bay, Biard a voulu immortaliser cette scène.
Il n’a pas seulement peint un paysage polaire, il a voulu restituer cette atmosphère à la fois majestueuse et funèbre, un contraste frappant entre la beauté du Grand Nord et sa cruauté.
Cette lecture m’a aussi fait découvrir une autre histoire, bien différente.
Intriguée par Léonie d’Aunet et son talent d’écrivaine, j’ai cherché à en savoir plus sur elle… et son destin a été édifiant.
Mariée à Biard, avec qui elle a eu deux enfants, elle est devenue la maîtresse d’un certain Victor Hugo, et tous dex ont été prise en flagrant délit d’adultère.
À l’époque, c’était un crime sévèrement puni.
Ils ont été surpris dans un hôtel du passage Saint-Roch, et si Hugo a été épargné par la police grâce à son statut de pair de France, Léonie, elle, a été arrêtée.
Elle a été envoyée à la prison de Saint-Lazare, puis envoyée au couvent des Dames de Saint-Michel.
Une chute brutale…
Après sa séparation avec Biard, elle a repris son nom de jeune fille et s’est reconstruit une vie sous son nom de jeune fille, Léonie d’Aunet.
Sa production littéraire comprend des pièces de théâtre, des romans et des nouvelles, reflétant sa polyvalence en tant qu’écrivaine au XIXe siècle.
En plus de ces œuvres, Léonie d’Aunet a contribué à divers journaux et revues de son époque, notamment Le Siècle, Le Courrier de Paris, Le Journal pour tous et L’Événement.
Elle a également tenu une chronique de mode dans la revue Les Modes parisiennes sous le pseudonyme de “Thérèse de Blaru”.
Une vie riche…