En 59, année de ma naissance, sont également nés Astérix et Barbie.
J’ai coutume de dire que ces deux sérieux concurrents ont quelque peu éclipsé la nouvelle de mon arrivée!
Je me souviens parfaitement de ma première Barbie, offerte par une femme belle comme un ange, dont le destin a été interrompu en pleine jeunesse.
Cette étrange poupée filiforme aux longs cheveux est devenue l’une de mes compagnes de jeux.
Je me suis empressée de troquer ses vêtements contre d’autres, créés par mes soins et ressemblant à ce que mon entourage belge appelait alors poliment des « loques », ce qui a étouffé dans l’oeuf ma vocation de styliste.
Un bout de tissu taillé dans une vieille panoplie de Sioux, deux trous pour les bras et hop: j’avais là un manteau « maxi » selon la mode de l’époque ou presque, et très pratique pour vêtir ma Barbie dans la jungle et la forêt, milieux où je la faisais quotidiennement évoluer.
Pour qu’elle n’aie pas froid, je la couvrais de « peaux de bêtes », bouts de tissus recouverts de fourrures synthétiques.
Ma merveilleuse Barbie sortie à la base d’un magazine de haute couture était relookée par mes soins en véritable sauvageonne, descendante directe de la femme de Cromagnon.
Cristina Cordula en aurait fait une jaunisse.
Au fil du temps, d’autres Barbie m’ont été offertes et j’ai commencé à réaliser, en grandissant, que je n’arriverais jamais à leur ressembler.
Trop grandes, trop belles, trop figées, trop fines, trop blondes, trop… tout.
J’ai donc commencé à nourrir une certaine rancoeur vis-à-vis de cette copine de jeux que les petites filles étaient censées prendre pour modèles… alors qu’elle ne rappelait pas un être humain normal mais un fantasme un peu tordu.
J’ai voué à ma contemporaine une certaine rancoeur, ce qui ne m’empêche pas de l’offrir à celles qui tiennent à elle.
Jusqu’à hier où, au détour des journaux télévisés, j’ai découvert que Mattel se décidait à faire évoluer sa poupée.
Enfin!!!!
Désormais, les fillettes pourront trouver des Barbie grandes, petites, voire « rondes », comme annonce la marque.
Même si, à mes yeux, notre ronde de charme (troisième à partir de la gauche), n’est pas si arrondie que cela.
Il était temps…
Notez que je soupçonne la marque de ne pas changer son fusil d’épaule pour le bien des petites filles… mais bien parce que les ventes de Barbie étaient en perte de vitesse et qu’une autre poupée ronde commençait à faire parler d’elle.
Ma contemporaine se décide donc à ressembler aux vraies femmes.
Bienvenue dans la normalité, très chère!
Martine Bernier