Les conditions météo étant ce qu’elles sont, beaucoup d’enfants n’ont donc pas pu venir au périscolaire, mercredi, ou sont arrivés plus tard que d’habitude.
Les répercussions sur mon atelier ont été nettes: j’ai commencé la séance en tête à tête avec l’une de mes jeunes recrues.
Cette fillette de 9 ans, est à la fois pétillante et drôle, grave et attentive, très créative.
Durant près d’une heure, ce petit feu follet a continué à travailler avec moi sur la fin de notre journal, entrecoupant notre travail de confidences touchantes.
– Je t’ai dit que je veux être policière, plus tard?
– Ah? Je croyais que tu voulais être chanteuse?
– Bah… je sais bien que ça ne sera pas possible: il y en a tellement… Non, policière, c’est mieux. Qu’est-ce que tu en penses?
– Je pense que c’est un métier très utile, et que les policiers sont des gens courageux. Quel genre de policière voudrais-tu être? Policière dans la rue, dans les bureaux, dans la police scientifique…?
– Plutôt policière qui fait des enquêtes et qui cherche des indices.
– Comme dans la police judiciaire, alors… Et que disent tes parents de ton envie?
– Je ne leur ai pas dit. Pour le moment, je ne l’ai dit qu’à toi.
– Je suis flattée! De toute façon, quoi que tu choisisses, tes parents seront fiers de toi.
S’en est suivi une conversation au cours de laquelle elle m’a expliqué que sa vie ne lui plaisait pas toujours.
Je l’ai écoutée sans rien dire me parler de ce qui l’exaspérait dans son quotidien, jusqu’à ce qu’elle me jette un regard en coin:
– Tu trouves que je suis horrible?
– Non, je trouve que tu es normale.
– Tu trouves ça normal, toi?
– Oui, bien sûr. Même les gens que nous aimons le plus nous agacent parfois. Et nous les agaçons souvent aussi sans doute!
– Sauf que moi, je suis vraiment très énervée!
– Je vois ça…
– Qu’est-ce que je devrais faire tu crois?
– Défoule-toi sur un coussin quand tu as envie d’exploser! Discute avec des personnes en qui tu as confiance, et… réfléchis. Ce n’est pas toujours facile d’avoir ton âge… mais même si tu es énervée, mieux vaut ne pas te disputer avec la terre entière.
Perchée sur la table sur laquelle nous travaillons, elle pose sur moi un regard attentif:
– Mais, par exemple, est-ce que je dis à mes parents que je préfèrerais faire des choses avec eux plutôt que d’aller au périscolaire, même si j’aime ça?
– Tu peux tout dire à tes parents. Mais n’oublie pas que je suis sûre qu’eux aussi préfèrerais être avec toi plutôt que d’aller travailler. Ils sont comme tous les parents: ils n’ont pas le choix et ils font de leur mieux. Donc tu dis ce que tu as à dire, mais… tu fais attention à la façon dont tu le dis.
– Et… j’ai envie de dire à R. que même si elle me considère comme son amie, elle ne l’est pas. Elle m’énerve. Qu’est-ce que tu en penses?
– Qu’est-ce que tu crois que ça va provoquer si tu lui dis cela?
– On va se disputer, tiens.
– Sans doute. Et tu vas lui faire de la peine inutilement. Mais c’est à toi de voir.
– Tu ferais quoi, toi?
– Rien. Je laisserais passer le temps… Soit vous serez plus proches en grandissant, soit vous passerez à autre chose… en douceur!
Elle allait me répondre quand la petite fille dont elle me parlait est entrée dans la pièce.
Elle aussi a l’esprit vif, une forte personnalité et le même âge.
Après que je l’aie accueillie, elle s’est installée avec nous et a demandé:
– Vous parliez de quoi?
C’est sa copine qui lui a répondu:
– On se disait que ce n’est pas toujours facile d’avoir 9 ans.
– Ça, c’est vrai!