Lorsque j’étais enfant, alors que j’avais 6 ou 7 ans, j’adorais le samedi soir.
C’était le moment de ce que je considérais comme une grande aventure.
Très tôt, mes parents procédaient au coucher officiel des enfants.
En principe, lorsque « l’événement » était prévu, mon père m’adressait un clin d’oeil et me soufflait à l’oreille « tiens-toi prête! » au moment de m’embrasser.
Il éteignait la lumière, ne fermait pas complètement la porte et nous laissaient seuls, mon petit frère et moi.
Contrairement aux autres soirs de la semaine, je n’entamais pas de discussion, je ne partageais pas de fou rire, je ne filais pas escalader l’armoire ou les étagères.
Non: je faisais semblant de dormir, malgré les appels et les invitations de mon cadet de trois ans.
Ce qui avait pour effet quasi immédiat de le faire plonger dans un sommeil profond.
Quelques minutes plus tard, j’entendais des pas légers dans l’escalier.
La porte s’entrouvait doucement et je voyais arriver mon père… à quatre pattes!
Il venait silencieusement jusqu’à mon lit, je me glissais sur son dos et m’accrochait à lui comme un bébé koala, et nous repartions hors de la chambre dont il fermait doucement la porte derrière nous.
Là, il se redressait, son « paquet » toujours accroché à son cou, et nous descendions au salon.
Il s’installait soit dans son fauteuil, soit dans le canapé.
Avec l’option fauteuil, j’avais le droit de blottir sur ses genoux pour le reste de la soirée: nirvana suprême!
Avec l’option canapé, j’étais déposée soit entre lui et ma mère, soit à côté de lui côté extérieur.
Mais dans tous les cas, si possible, pas à côté de mon frère aîné qui, avec 7 ans de plus que moi, m’estimait parfaitement infréquentable.
La télévision était allumée et diffusait « Le Jardin Extraordinaire », qui parlait d’animaux, de nature…
Puis la speakerine annonçait le grand film familial du samedi soir.
Et là, sur l’écran noir et blanc, je savourais tous les films comiques de l’époque, avec ces acteurs devenus les « amis de la famille » de tous les foyers francophones!
Bourvil, De Funès, Fernandel…
J’adorais Fernandel, que je trouvais rassurant et tendre.
Les grimaces de De Funès m’agaçaient, mais j’adorais la « Grande Vadrouille » et « Le Corniaud ».
Bourvil me touchait…
J’adorais les grands films américains de l’époque, les comédies musicales, Dany Kaye qui ressemblait à un lutin, John Wayne que je n’aurais contrarié pour rien au monde, Yul Brynner que je trouvais impressionnant et beau, et tous ces acteurs mythiques de l’époque.
J’aimais beaucoup les chevaliers, les châteaux-fort, les croisades et les belles dames qui attendaient le retour de leurs héros en faisant face à un quotidien compliqué.
J’adorais les grandes productions hollywoodiennes…
« Cléopâtre » m’avait traumatisée (« mais??? ils l’ont VRAIMENT jeté aux crocodiles, le monsieur??? ») mais passionnée.
Les « Capes et d’Epées » m’enchantaient, Gérard Barray me faisait croire à la réalité de Surcouf, des Trois Mousquetaires et de tant d’autres…
Fanfan la Tulipe sous les traits de l’irrésistible Gérard Philippe..
Et tant d’autres…
Lorsque le film était terminé, mon père me reprenait sur son dos, grimpait les escaliers et me déposait dans mon lit.
Et moi, je rêvais, comblée.
J’adorais les samedis soirs… et je les aime toujours, tiens!
Martine Bernier