Le jardin et moi: rencontre du troisième type…

Pour la première fois de ma vie, depuis que j’ai emménagé dans ma nouvelle demeure, me voici responsable d’un jardin. Je dirais même un grand, un très grand jardin.
Pour une gamine née en pleine ville, qui, durant son enfance, n’a connu qu’une bande de terre d’un mètre sur quatre parsemée de tulipes rachitiques, et qui allait se cacher sous le lierre grimpant de son oncle, pour y attendre Tarzan, convaincue de se trouver en pleine jungle, le contraste est saisissant.
Dans mon jardin, donc, se trouvent huit arbres fruitiers, une haie plus grande que moi, une interminable ligne de rosiers, des arbustes en fleurs, des massifs de… heu… de je ne sais pas trop quoi, en fait, et des fleurs un peu partout, parmi lesquelles des jonquilles et de la lavande.

Pour lier artistiquement le tableau, une pelouse. Enfin… de l’herbe. Une vaste, très vaste étendue verdoyante.
Quinze jours après mon arrivée, il a fallu faire face à la terrible réalité: l’herbe, ça pousse. Ca pousse même très vite. Si je ne veux pas que Scotty prenne des allures d’antilope bondissant dans la savane, il faut agir, et agir vite.
J’ai donc étudié les solutions qui s’offraient à moi.

1. Me lancer dans des incantations pour que le ciel consente à raccourcir la pelouse de lui-même.
2. Mettre un âne dans le jardin et le nommer régisseur.
3. Trouver une bonne âme pour prendre en charge la destinée de mon domaine.
4. Acheter une tondeuse et me laisser crapahuter joyeusement parmi les touffes d’herbe.

J’ai attaqué mon programme avec le plus grand sérieux.
Pour les incantations, n’essayez pas: cela ne fonctionne pas. Le ciel a même été jusqu’à me narguer. Deux jours après mon intervention, la pelouse ressemblait à la tignasse d’Antoine, au temps de ses élucubrations.

La deuxième solution, soufflée par moi, n’a pas immensément enthousiasmé Scotty. S’occuper d’un âne… je lui suffis.

J’ai donc fait appel à un professionnel dont j’avaistrouvé une publicité alléchante, et l’ai convié à me rendre visite pour me proposer un devis.
Aimable et sûr de lui, l’homme, béret planté sur le sommet du crâne, a fait le tour du jardin au pas de charge, faisant des commentaires sur le travail à effectuer. Rien que l’écouter m’a mis la puce à l’oreille. Inquiétant…
Il est ensuite passé à la partie délicate de l’opération: m’annoncer ses tarifs. L’œil innocent et la bouche en cœur, il nous a appris que, pour dix visites de 4 heures (mais la 11e est offerte!) il m’en coûterait 1200 euros… au lieu de 1400, va, il est bon prince. Et puis « si vous recevez du monde le samedi et que vous réalisez que votre pelouse n’est pas nickel, je peux vite passer. Mais bien sûr, en tarifs de week-end… »

Oui, bien sûr… Et il est parfaitement clair que je suis du genre à faire tondre la pelouse une heure avant de recevoir des amis, pour faire chic, tiens…
J’ai  retenu les deux réflexions que je mourrais d’envie d’exprimer: « Heu… je peux avoir le vague espoir que vous parlez en francs suisses? » et « Excusez-moi, nous avons besoin d’un jardinier, pas d’un avocat… Si vous me le permettez, je m’évanouis et je reviens. »

Je n’ai rien dit. Je suis extrêmement sage depuis que je suis ici.
Quand le monsieur est parti, non sans m’avoir averti qu’il fallait le rappeler rapidement car son planning se remplissait à vue d’œil,  j’étais perplexe. La longue visite que j’ai dû faire à un médecin depuis mon arrivée m’a coûtée très exactement 22 euros, avec consultation complète. Quel est donc ce pays où le tarif horaire d’un jardinier est plus cher que celui d’un médecin?!

Me reste éventuellement la dernière solution: acheter une tondeuse à gazon.
Mais je n’ai jamais tondu une pelouse de ma vie.
J’attends donc le devis d’un deuxième jardinier, le Messie, avec anxiété.
Et si Messie a lui aussi des velléités de paie de ministre, je lui demanderai de s’occuper de certains travaux et je complèterai son intervention par la mienne, nettement plus artisanale, mais moins onéreuse. Je mettrai peut-être deux jours complets là où il mettra une heure, mais bon, je ne suis pas pressée.
A moins que… ôtez-moi un doute…
Quelle est exactement la vitesse de croissance d’un brin d’herbe, déjà?

(à suivre…)

Martine Bernier

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