« Je te lis… »

Lorsque quelqu’un me dit qu’il me lit et qu’il est touché par mes textes, je suis toujours à la fois émue et perplexe.
Ces derniers temps, c’est arrivé souvent.
Et j’ai été particulièrement marquée par la réaction d’un homme qui fait désormais partie de ceux à qui je parle tous les jours.
Il m’a confié aujourd’hui avoir lu l’entièreté du contenu d’Ecriplume… quatre fois.
Et il a survécu!
Lorsqu’il exprime ce qu’il ressent en me lisant, je reste le plus souvent interdite.

« Je te lis… J’ai l’impression de me lire, de mettre des mots sur ce que je ressens moi même. »

Je lui dédie ce texte.

J’ai souvent réfléchi à ce que l’on me dit au sujet de ce que j’écris et de ma façon de le faire.
Mais en me confiant ce qu’il m’a dit là, cet homme a exprimé une vérité toute simple.
Je pense profondément que ce que je ressens, l’immense majorité d’entre nous le ressent aussi, à un moment ou à un autre.
Et c’est pour cette raison, je crois, que ces textes peuvent toucher.

Face à un être qui vous trahit, qui vous détruit après vous avoir fait croire au paradis, face au chagrin, face à l’absence, face à la cruauté, à l’indifférence, nous vivons tous la même souffrance, à un degré plus ou moins prononcé.
Nous ressentons tous les mêmes colères, les mêmes bonheurs, les mêmes émerveillements, la même mélancolie, les mêmes amusements, les mêmes peurs, les mêmes espoirs à un moment ou à un autre de nos vies.
Nous avons simplement chacun une façon différente de l’exprimer, de nous blinder ou non.
Certains frappent, d’autres crient, d’autres encore se murent dans le silence.
Moi, j’écris.

Et lorsque je réalise que mes mots sont comme des papillons qui vont se poser ailleurs, je suis touchée.

De cette journée mosaïque, je pourrais extraire un inventaire à la Prévert…
Comme si j’ouvrais un grand coffre en bois, et que j’en tirais… un ami cher qui m’annonce sa visite et que je n’ai plus revu depuis des mois, un nuage noir, une géode brillante, une lettre inquiétante, une proposition professionnelle, un souffle très froid, des mots en pagaille, une vague sur le lac, un ciel gris, une orchidée qui attire mon regard, les mots d’un homme profondément sensible qui se cache (de moins en moins: il progresse!) sous une coquille d’humour douteux, la photo d’un chiot qui m’attendrit déjà, le rire de mon amie qui me dit que je suis insupportable, un plan de Paris, le mal-être de quelqu’un que j’aime et dont chaque geste, chaque mot est condamné, un Père Noël aux joues rebondies, une liste d’emplettes réalisée avec application… et que j’oublierai encore sur un coin de mon bureau le moment venu, un mail parti à une mauvaise adresse et un coup de poignard au coeur, un sourire en passant, un mail bouleversant et inattendu, une photo de Scotty, un kaki trop mûr, une goutte de sang sur ma main.

Martine Bernier

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