Madeline Chevallaz: une plume s’est envolée…

Elle portait de très jolis prénoms, Madeline Bérangère Chevallaz…
Elle nous a quitté le 30 novembre dernier, dans sa 92e année, comme une lettre de son fils, qui m’est cher, me l’a appris ce matin.

La Suisse connaissait mieux son frère, Georges-André Chevallaz, ancien Conseiller Fédéral de trois ans son aîné.
Mais Madeline n’avait pas le caractère pour se contenter d’être « la soeur de… ». Même  si celui-ci a été à la tête du pays.
Il faut dire  qu’entre deux frères charismatiques, elle avait dû batailler dur pour affirmer sa personnalité.

Pour moi, elle a été une sorte de modèle. Journaliste et écrivain, elle a bourlingué, a vécu pleinement sa vie de femme, de mère. Surtout, surtout… elle a osé. Osé vivre.
Elle était libre.

J’avais été troublée et amusée, lorsque je lui avais consacré un article pour un grand quotidien romand, il y a tout juste dix ans.
Elle avait cet oeil bleu pétillant de malice, la mèche blanche et rebelle, et un humour décapant dont elle m’avait fait profiter sur un ton très sérieux.
Irrésistible de drôlerie et de charme, elle était belle et inattendue…

Elle grognait contre ces pépins de santé qui ralentissaient sa marche, grimpait pourtant gaillardement les marches qui la menait à son grenier, sur les traces de ses souvenirs. Elle s’offrait encore de grosses colères face aux injustices.
Enfant, parce qu’elle était vive comme une « bediette », elle avait hérité du surnom de cette chèvre avec laquelle elle avait des points communs. Sauvageonne aimant explorer les bois et pratiquer la gymnastique, elle s’était construit un monde imaginaire qu’elle avait appelé Clé-Jaune.
Un mari, trois enfants et un divorce plus tard, elle devient journaliste et décide de parcourir le monde pour se rendre dans les endroits à l’époque encore difficiles d’accès pour les femmes. Les pays de l’Est, la Somalie, l’Ethiopie où elle rencontre «ce petit empereur d’Ethiopie qui se croyait empreint du droit divin, et qui faisait régner une féodalité puante»… elle découvre l’autoritarisme, la famine…
Elle écrit, écrit…

A 82 ans, elle écrivait toujours. Des livres cette fois. Et avouait en souriant qu’elle avait beaucoup aimé, beaucoup vécu…

Dans le faire-part annonçant son nouvel envol, ses enfants ont écrit qu’elle est allée « retrouver le Pays où chrétiens, juifs, musulmans, bouddhistes vivent en harmonie ».

Personne n’a jamais réussi à mettre Madeline en cage.

Et j’ai l’impression qu’aujourd’hui, elle doit nous adresser un clin d’oeil amusé tout en jetant sur le monde un ultime regard bleu.

Madeline, ce matin, un énorme nuage noir assombrissait le lac Léman avec, toujours, ces montagnes poudrées de neige en fond de décor. C’était d’une beauté à couper le souffle. Je vous dédie cette image qui vous ressemble, trop passionnante pour en faire une carte postale.

Martine Bernier

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