Quand j’ai entendu dire que le cimetière communal de Cadillac-sur-Garonne était classé aux monuments historiques, je n’ai pas pu m’en empêcher: il a fallu que je comprenne pourquoi.
Je croyais qu’il avait une particularité architecturale, un monument particulier…
Ce que j’ai appris m’a surprise.
Le lieu a été classé parce qu’il n’accueille que de patients de l’asile voisin.
En principe, les pensionnaires des hôpitaux psychiatriques sont inhumés dans les cimetières municipaux.
Pas là.
Le cimetière du crû dispose de ce qui a été appelé « le carré des fous ».
Par la même occasion l’endroit a hérité de plusieurs noms: « le cimetière des fous », des « gueules-cassées », « des aliénés », et j’en passe.
Dans ce carré se trouve un bon millier de tombes placées entre l’hôpital psychiatriques et le cimetière communal classique.
Il a été créé en 1920… par mesure « d’hygiène publique », pour y recevoir les soldats et les civils blessés lors de la Grande Guerre, ceux devenus des « mutilés du cerveau ».
Le pire est que lorsque ces personnes décédaient, aucune déclaration n’était enregistrée sur les registres de l’état-civil.
Et les étiquettes posées sur les croix ont disparu avec le temps…
Des identités évaporées, des vies oubliées…
De 1920 à 2002, 4000 personnes ont été enterrées là.
Elles étaient présumées folles, indigentes.
Aujourd’hui, de ces tombes, il reste quelques rangées à l’abandon, des croix, toutes pareilles, traînant dans un mélange de gravier, de terre et d’ossements.
Depuis peu, quatre murs et trois carrés de tombes ont donc été inscrits aux monuments historiques, comme l’ont été six autres cimetières d’asile, désormais protégés.
Il s ‘agit là de saluer la rareté des lieux et le respect dû à la mémoire de ceux qui y sont inhumés.
Des êtres au destin peu enviable, qui n’ont marqué personne, que personne n’a réclamé, dont personne ne se souvient…
Celui qui a dit que nous étions tous égaux devant la mort n’avait pas tout à fait raison.
Martine Bernier