Pic de la Mirandole… heu?

Je me souviens encore très bien de ce jour où notre professeur d’Histoire est rentrée dans la classe, a posé ses dossiers sur son pupitre et a lancé:
– Est-ce que le nom de « Pic de la Mirandole » vous évoque quelque chose?

Dans chaque classe, à chaque époque, il y a toujours quelqu’un pour lever la main dans la seconde et répondre n’importe quoi, sans réfléchir.
Ou pour faire croire qu’il ou elle a tout vu, tout connu, tout lu, tout entendu.
C’est ce qu’a fait ma voisine de bureau.

– Moi!!!
– Oui?
– C’est une montagne en Provence!

Elle n’aurait pas dû.
Le prof a susurré:

– Vous y êtes déjà allé?

Pleine d’aplomb, ma voisine a répondu:
– Oui, je crois. Avec mes parents en revenant de vacances.

Les lèvres de la prof, qui avait visiblement un oeuf à peler avec la malheureuse, se sont retroussées en un sourire un peu cruel:
– Et bien, mademoiselle, vous venez une fois encore de nous faire une brillante démonstration de votre inculture et de votre propension à dire n’importe quoi. Félicitations. Bon, soyons sérieuses…

Oui, soyons sérieux.
Pauvre Pic qui doit avoir été confondu ainsi avec une pseudo montagne par des générations de têtes blondes…
Jean Pic de la Mirandole, donc, est né en 1463.


Il fut l’une des vedettes de la République de Florence, était un homme de conviction, de courage, dont l’érudition précoce était sidérante.
A tel point qu’aujourd’hui encore, l’évocation de son nom est un hommage au savoir.
A dix ans, il était nommé Officier du Saint Siège, proclamé « Prince des poètes et des orateurs ».
On dit de lui qu’il maîtrisait 22 langues à 18 ans, qu’il a étudié toutes les sciences possibles dans toutes les grandes universités d’Europe, qu’il était spécialiste réputé en droit canon à 15 ans déjà.
Passionné par la cabale, il décida, à 24 ans, de rédiger ses « 900 Thèses philosophiques, théologiques et cabalistiques », histoire de braver les doctes de Rome.
Le texte qui le précédait est toujours considéré comme un exemple de l’humanisme renaissant.

Arrogant Mirandole… il se voulait libre, maître de son destin… mais ses thèses, jugées hérétiques et brûlées, lui valurent l’excommunication.
Réfugié en France, il y séjourne avant de rentrer à Florence, se placer sous l’aile protectrice de Laurent de Médicis. Mais la  encore, il continue à travailler sur une exégèse cabalistique de la Genèse, et part dans des idées révolutionnaires pour l’époque.
En 1492, Laurent meurt.
Trop proche de Savonarole, le moine sévère qui veut la perte des Médicis, Jean Pic de la Mirandole mourra peu après, à 31 ans dans des circonstances mystérieuses.
Celles-ci ne seront élucidées qu’en 2008, lorsque ses restes ont été découverts.
Il aurait été empoisonné par les émissaires de Pierre de Médicis, fils et successeur de Laurent.
On parle de lui comme ayant été une étoile filante.
L’une des plus brillantes, sans doute.

Martine Bernier

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