Vous avez dit Gérard?!

Aujourd’hui était un jour un peu redouté: celui où, pour la première fois, je devais me rendre chez le néphrologue.
Je connais l’enjeu: c’est ce médecin qui va tout mettre en oeuvre pour m’offrir une vie à peu près normale.
Direction l’hôpital, donc, où, au bout de quelques minutes d’attente, un immense bonhomme en blanc est venu me chercher.
Jovial, drôle, plein d’humour: le contact s’est installé immédiatement entre nous.
Au bout de quelques instants d’entretien, alors qu’il me posait des questions sur mon passé médical, la conversation a pris une tournure inattendue:

– Et vous avez donné un prénom à votre rein malade??
– Oui, depuis que j’ai dix ans. J’avais envie de personnaliser nos contacts!
– Comment l’avez-vous appelé?
– Gérard.
– Non?! C’est la meilleure! Je n’y crois pas!!!

Il riait tellement que j’ai eu un doute:
– Ne me dites pas que…
– Si!!!
– Vous vous appelez Gérard???
– Oui!!

Je me suis demandé comment j’allais bien pouvoir me sortir de ce mini pétrin.
Je n’avais pas envie de vexer mon futur sauveur avant même qu’il ne m’ait soignée!

– Heu…. Et bien il semble évident que vous êtes faits pour vous entendre!
– C’est certain! Bon, je vais vous prendre la tension. Vous allez voir: les néphrologues sont des experts en hypertension.
– Je n’ai pas d’hypertension.
– Nous allons voir. Ne bougez pas, c’est moi qui viens à vous et qui relève votre manche.

Il s’assied à côté de moi, installe son matériel et, tandis qu’il procède, il s’appuie sur ma cuisse en m’expliquant:
– Excusez-moi, mais c’est la position la plus confortable. Une de mes patientes m’a un jour dit: « Mais docteur, comment voulez-vous que je ne sois pas hypertendue alors que vous avez votre main sur ma cuisse? ». Donc, excusez-moi!

J’ai coulé un petit regard vers lui et lui ai dédié un sourire un chouillat amusé:
– Pas de souci. J’ai beaucoup vécu.

L’examen s’est déroulé dans une bonne humeur que même l’annonce de la nouvelle batterie d’analyses qui m’attend n’a pas réussi à assombrir.
– Venez, je vous accompagne au labo pour vous donner le matériel.
– Mais… et les autres patients qui vous attendent?
– Nous allons passer devant la salle d’attente, et vous verrez qu’ils ne diront rien!

En effet, il salue chaleureusement les deux hommes qui font semblant de ne pas trouver le temps long, et me précède à l’ascenseur.
– Vous voyez! Bon, notez qu’ils vont me passer un savon quans je vais remonter!
Cette fois, c’est moi qui ai ri:
– Vous êtes un cas…
– Vous trouvez! Si l’on ne pouvait pas passer de bons moments avec les patients, ce serait d’un triste!
– C’est vrai. Les médecins ont bien changé au cours de ces dernières décennies. C’est presque un plaisir d’être malade!

Et je le pense!

Martine Bernier

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