J’ai assisté hier à un instant magique.
Cela faisait un bon moment que je n’avais plus vu Kim, 6 ans (« et demi! » précise-t-il), le petit garçon de ma belle-fille Jee.
La dernière fois, il apprenait à lire et m’avait montré où il en était.
Il commençait à déchiffrer les syllabes, mais avait encore du chemin à parcourir…
Hier, j’ai pu constater qu’il avait fait des progrès énormes et qu’il lit désormais couramment.
Il lisait sans effort les consignes d’un livre jeu, les légendes sous des images de dinosaures, etc.
Mais le moment de grâce, c’est à table qu’il a eu lieu.
Nous parlions lorsqu’il s’est interrompu et a dit: « Démons et merveilles… »
Ces mots n’ont peut-être pas été parlant dans un premier temps pour les autres convives, mais, de mon côté, je savais de quoi il s’agissait.
Kim venait de lire le titre d’un de mes livres, placé assez loin de lui.
Il en a lu d’autres, et, pour moi, ça a été un moment d’émotion pure.
Ce petit garçon venait de réaliser que les livres qui peuplent notre appartement ne sont pas des objets sans intérêt.
L’accès à la lecture lui ouvrait un monde… il découvrait que chacun de ces ouvrages renfermait une histoire.
Dans la soirée, alors que nous jouions à un jeu de questions qu’il avait réclamé, Kim m’a demandé:
– Et toi, tu collectionnes quoi?
Même si je ne les collectionne pas vraiment, je suis allée à la facilité dans ma réponse;
– Oh… je crois que c’est facile à trouver: il suffit de regarder autour de toi, ils sont partout…
– Ah oui, les livres! C’est que tu en as beaucoup… mille?
– Houlà ,non: beaucoup, beaucoup plus que mille!
Il les a regardés un peu rêveusement…
Kim a une tournure d’esprit qui m’étonne souvent.
Nos conversations dérapent assez régulièrement dans un univers surréaliste.
Je ne sais plus ce qui a amené quelqu’un de la famille à faire allusion au fait qu’en Chine, certains mangeaient les chiens.
J’ai regardé notre benjamin.
Peur qu’il ne soit choqué, sans doute.
– Mais tout le monde ne le fait pas, tu sais…
Il a pris son temps avant de répondre, toujours de manière très réfléchie:
– C’est peut-être très bon…
Pour le coup, c’est moi qui étais ahurie:
– Tu mangerais du chien???
– Et bien oui, s’il n’y avait rien d’autre à manger!
– Mais… tu ne mangerais quand même pas Pomme ou Herby?
– Ah non, pas eux!
– Juste les chiens qui ne t’ont pas été présentés, donc…
– Oui. Il faut bien manger.
Avouez qu’il est interpellant…
Martine Bernier