En fin de journée, je reçois un message que j’attendais d’un bureau qui devait m’envoyer un renseignement pour terminer un article.
Mais en ouvrant le message, je constate que la pièce jointe a été oubliée.
J’appelle donc mon interlocuteur.
A l’autre bout du fil, la voix d’un très jeune homme à qui j’avais demandé le document en question me répond.
– Oui, re bonjour, c’est encore moi… Merci pour votre mail, mais je crois que vous avez oublié d’y associer la pièce jointe.
– Ah oui? Bon, et bien je vous la renverrai.
– Vous arrivez à le faire encore aujourd’hui? C’est assez urgent…
– Heu… c’est qu’il est déjà un peu tard et je suis tout seul…
– Vous partez maintenant?
– Non, je dois attendre mon patron. Mais c’est quand même un peu tard…
– Je comprends… ceci dit, j’ai attendu le courrier toute la journée, vous vous souvenez?
– Oui, c’est vrai. Je vous ferai ça, c’est promis…
Et là, j’entends LE mot ahurissant, que l’on n’entend JAMAIS dans le monde du travail:
– … tranquillou.
Il est clair que je parle à un tout jeune apprenti.
D’un côté, je suis pressée par le temps et j’aimerais qu’il comprenne que son erreur va me faire prendre du retard s’il ne la rectifie pas.
De l’autre, son « tranquillou » me donne une furieuse envie de rire.
J’ai au bout du fil un adolescent qui fait ses premiers pas dans le monde du travail et qui n’en a pas encore saisi tous les codes.
Il est tout sauf formaté
Comme je n’ai pas envie de passer pour l’enquiquineuse de service qui va le dégoûter de son nouvel emploi, mais que, d’un autre côté il faut quand même qu’il comprenne que je suis dans l’urgence, j’opte pour la méthode « rigolote-douce ».
– Vous avez dit tranquillou, là, où je rêve?
– Oui mais non: chez moi, c’est un tic!
– Aaaaaah! Je pourrais juste savoir si vous allez me le renvoyer là-maintenant-tout-de-suite-et-tout-soudain, histoire que je sache si votre concept du « tranquillou » correspond à ma notion du « rapidos »? Parce que là, c’est hyper urgent. Et sur cette affaire, voyez-vous, je joue mon scalp!
Je l’ai entendu glousser de l’autre côté:
– Ah ben si vous jouez votre scalp, je vous l’envoie tout de suite!
– C’est très gentil: je vous attends dans ma boîte mail!
Trente secondes plus tard, j’avais mon document.
Je lui ai donc répondu:
Un immense merci!
Signé: Un scalp reconnaissant.
Martine Bernier