Le Club des « Impiquables »

Trois fois dans l’année, je dois reprendre le chemin des labos et des cabinets médicaux.
C’est ainsi, je m’y suis habituée et, finalement… cela ne me gêne plus vraiment.
Mon dimanche était donc estampillé « dimanche-analyses », et se complétait par un rendez-vous très matinal au labo où je retrouvais des scénarios et des visages  connus.
Et notamment celui de l’infirmière dévolue aux prises de sang.
En m’accueillant, elle a souri:
– Je savais que c’était vous au téléphone! 
– Voui, la vénérable membre honoraire du  Club des Impiquables! Je suis désolée que vous ayez à commencer la semaine avec moi!
C’est presque devenu un jeu entre nous.
Elle a ri:
– Non, non: pour moi ce n’est pas un problème! C’est pour vous… je n’aime pas vous faire mal. Il est tellement difficile de vous prendre du sang.
– Hum. Notez qu’au moins,  je n’intéresserai jamais Dracula!

Deuxième rire…
Avec sa collègue, elles se penchent sur les analyses faites et à faire, et me précisent que le médecin a encore demandé un petit bonus qu’il ne demande pas habituellement.
Pas de problème pour moi.
Je m’assieds pendant qu’elles terminent leurs préparatifs, et une autre patiente entre dans le bureau.
Elle tend son document médical à la secrétaire et lui demande s’il est possible de faire la prise de sang immédiatement.
L’infirmière jette un coup d’oeil sur les analyses demandées et lui explique qu’elle va devoir en faire une partie chez elle, après quoi la prise de sang sera faite.
Mais son interlocutrice est pressée et n’a visiblement jamais été confrontée aux obligations liées à ces analyses-là.
– J’ai congé aujourd’hui, je ferai ça après avoir fait mes courses, cet après-midi.

L’infirmière, qui sait que je fais partie des personnes qui sont soumises à ces petites analyses sur des durées qui vont de 24 à 48 heures, me jette un coup d’oeil.
Il est clair que pour la patiente, c’est la première fois.
Patiemment, elle lui explique que… Non, vous savez, le problème, c’est que vous devez commencer très tôt le matin et terminer le lendemain matin, si la commande est prévue sur 24 heures. Et ce n’est qu’ensuite que l’on fait la prise de sang.

J’ai vu le visage de la dame s’allonger.
L’infirmière a tendu la commande des analyses à sa collègue secrétaire pour qu’elle lui explique comment procéder.
Puis elle s’est tournée vers moi en m’invitant à la suivre dans la pièce des soins.
Comme prévu, ce fut folklorique.
Quand enfin elle a réussi à atteindre le Graal, elle a appelé sa collègue pour venir l’aider.
Mais celle-ci était toujours en conversation avec sa patiente.
Elle m’a lancé un regard désolé:
– Si je me déplace pour poser ce flacon et prendre l’autre, il va falloir tout recommencer…
– Heu… Où est celui dont vous avez besoin?
– A votre gauche, sur la tablette. Vous pouvez me la passer sans bouger?

Sans bouger?
Houdini, viens à mon secours!
Je m’exécute sagement, adoptant des postures de « caméléonne ».
Elle en profite pour retirer le premier tube plein et reste là, la main en l’air:
– Est-ce que vous supportez la vue du sang? Vous arriveriez à me garder ce flacon jusqu’à ce que j’aie terminé?

Quelques minutes plus tard, sa collègue, qui a pris congé de sa patiente, arrive à toute vitesse.
Je garde le flacon tandis que l’infirmière maintient l’aiguille dans mon coude.
Point commun à toutes les deux: notre immobilité totale!
Mais la mission est remplie, et, une fois l’aiguille retirée, l’ambiance est au beau fixe.
En sortant, je réconforte mes troupes:
– Bonne nouvelle: en principe, vous ne me reverrez pas avant ce printemps! Vous aurez le temps de m’oublier d’ici-là!
– Impossible!

Heu… je me demande comment je dois le prendre!
Une chose est sûre: après cette brillante séance, il paraît qu’elles réfléchissent à me décerner le titre de présidente d’honneur du Club des Impiquables.
Le must…
Martine Bernier

 

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