Allez savoir pourquoi: lorsque j’entendais chanter Al Jarreau, je me disais qu’il n’interprétait pas mais qu’il était la musique.
Et ce que je préférais dans la très vaste gamme de ses capacités vocales… c’était ses improvisations.
La plus belle voix du monde atteignant des notes rares à force de travail n’arrivera jamais à m’émouvoir autant que les talents purs qui se jettent dans la musique comme dans un doux combat où ils butinent chaque note et s’en amusent.
Il surfait en acrobate sur la musique, léger et élégant, naturellement inspiré, faisant oublier son extraordinaire technique grâce à cette fantaisie, et cette manière qu’il avait de s’investir dans ce qu’il chantait.
Et son public était tellement heureux de l’écouter qu’il en oubliait que ses prestations demandaient une énergie folle, trop importante pour un homme qui allait fêter en mars ses 77 ans.
Hier, la nouvelle est tombée: quatre jours après avoir annoncé qu’il renonçait à effectuer des tournées, Al Jarreau est décédé, d’épuisement.
Il a semé derrière lui un long et inoubliable sillon d’enchantement…
Martine Bernier