L’annonce, hier, du décès de Monsieur Léonard Gianadda m’a fait l’effet d’un séisme émotionnel.
Pour ceux qui ne le connaitraient pas, il y aurait tant à dire que le résumer en quelques mots me paraît impossible…
Mécène mondialement connu, promoteur, journaliste, il a créé la Fondation Pierre Gianadda, à Martigny (Suisse), ma dédiant à la mémoire de son frère, a consacré la majeure partie de sa vie, à travers elle, à proposer des expositions et des concerts classiques, mettant la culture à portée de tous.
Il a vécu de multiples vies, a tant fait, tant donné, qu’il croulait sous les honneurs, les distinctions…
Je laisse à d’autres le soin de revenir sur ce parcours totalement hors du commun.
Pour ma part, depuis hier, je suis dans le chagrin.
J’ai eu l’occasion d’interviewer, de rencontrer et de partager des moments magiques avec lui de multiples fois depuis un jour d’été de l’année 2003…
Ce jour là, pour la première fois, je l’ai sollicité pour une interview.
Il m’avait appelée pour me dire qu’il n’aimait pas cela.
Il avait été journaliste, n’avait pas que de bons souvenirs avec certains d’entre eux, et se méfiait de l’exercice de l’interview.
C’est là que notre relation a débuté.
Je lui ai expliqué à quel point cet entretien comptait pour moi.
J’avais pour lui une admiration immense.
Pour la force et le courage qu’il avait déployés afin de créer sa fondation et de monter des expositions somptueuses…
Je voulais l’interroger sur un aspect de la fondation qui n’avait pas été mis souvent en lumière jusque-là dans la presse: son jardin de sculptures dans lequel j’aimais me promener.
Il a écouté mes arguments, et… a accepté.
Car ce jardin, comme il me l’a confié, il l’adorait…
Ca a été un moment merveilleux et drôle.
Se sont ensuite enchaînées des dizaines d’autres rencontres, des moments complètement privilégiés, professionnels et privés…
J’ai consacré un article à ses souvenirs, à sa famille et ses racines, et il m’a confié des éléments de sa vie relevant du domaine de l’intime, me demandant de garder pour moi les choses qu’il me livrait par amitié.
Il a rencontré mon Capitaine avec lequel le courant est passé instantanément, m’a fait partager des moments que je n’oublierai jamais, des soirées, des repas, des rencontres …
A chaque fois que j’ai consacré un article à l’une de ses expositions, il m’écrivait ou m’appelait pour me remercier pour ce que j’avais écrit et pour me dire ce qu’il en pensait.
Il m’a dédicacé des livres, sachant qu’à chaque fois, je les recevais comme autant de trésors.
Lorsque j’ai quitté la Suisse, j’ai eu avec lui une dernière rencontre au cours de laquelle j’ai pu lui dire combien j’étais heureuse de l’avoir en filigrane de ma vie.
Il avait à la fois un caractère très fort que certains craignaient, et une immense bienveillance, qui n’a fait que grandir avec le temps.
Lorsque j’ai su, voilà quelques semaines, qu’il avait eu un accident, je lui ai écrit.
Il était à l’hôpital, et je n’espérais aucune réponse, évidemment.
Mais j’ai eu la surprise de recevoir un colis contenant sa dernière biographie et une carte me remerciant de mon message…
Vendredi, lorsque je suis entrée dans la bloc opératoire « Chagall » pour mon intervention, j’ai pensé à lui.
J’avais prévu de lui réécrire ce lundi pour le remercier et pour lui dire que ce clin d’œil à ce peintre qu’il affectionnait m’avait renvoyée en pensée auprès de lui à ce moment précis.
Ce dimanche soir, c’est mon amie, la Dame de Chiboz, qui m’a annoncé qu’il nous avait quittés.
Pendant plus de vingt ans, Monsieur Gianadda a émerveillé ma vie.
C’est un bonheur et un privilège inestimable d’avoir pu cheminer très modestement dans ses pas et d’avoir pu partager autant de moments inoubliables avec lui.
Et je sais qu’aujourd’hui, nous sommes très nombreux à avoir le coeur très lourd alors que s’en va un homme d’exception …