Cette année, mon Capitaine et mon fils ont tous les deux subi les assauts du froid… et ont été malades durant les festivités.
Mais ces deux gros refroidissements accompagnés de leur cortège de symptômes pénibles n’ont pas suffi à les faire renoncer à participer au réveillon.
Et, étrangement… malgré cela, ce fut un Noël formidable, avec quelques fous rires mémorables.
Le plus drôle est arrivé dans l’après-midi du 24… quelques heures après avoir vécu un moment très fort avec mon petit-fils.
Alors que nous étions seuls, Aurélien, 10 ans, et moi, nous étions penchés sur la signification de son écriture.
J’ai étudié la graphologie durant trois ans, de manière très sérieuse, il y a une trentaine d’années, et il avait envie d’en savoir plus sur la sienne.
Après lui avoir expliqué qu’il s’agissait d’une écriture d’enfant qui allait beaucoup évoluer par la suite, je lui ai donné les premiers indices de sa personnalité en formation.
Il était passionné… et très surpris de voir que ce qu’il tentait de bien cacher était aussi visible à travers ses lettres…
Puis, nous avons parlé de la raison pour laquelle j’avais suivi ces études.
Et je lui ai raconté l’histoire de la lettre…
J’avais une trentaine d’années quand mon parrain, le frère de mon père, m’a remis un objet aussi inattendu que bouleversant : une lettre.
Ce n’était pas une lettre ordinaire, elle avait été écrite par la main de mon père en 1948.
En la dépliant, je me suis retrouvée face à une page d’histoire familiale que je n’avais jamais imaginée.
À l’époque où il a écrit cette lettre, mon père était un tout jeune homme, et le monde était encore plongé dans la Seconde Guerre mondiale.
La Belgique, comme tant d’autres pays, portait les stigmates de l’occupation et des combats.
Ce qui s’est passé ensuite relève presque de l’inimaginable.
Mon père, dans un élan romanesque, avait décidé d’aller trouver les Allemands en personne pour leur dire que cela suffisait. Selon lui, il était temps de mettre fin à la guerre et de laisser les peuples respirer à nouveau.
Ce genre d’acte, aussi noble soit-il dans l’intention, ne pouvait évidemment pas rester sans conséquences.
Il a été arrêté.
Les Allemands ont décidé qu’il serait fusillé.
À ce moment, son sort semblait scellé., mais un homme, le bourgmestre de la région, est intervenu.
Il a expliqué aux Allemands que mon père n’était pas un ennemi, ni même un résistant, mais simplement… un fou.
Et grâce à cette intervention, sa vie a été épargnée.
Le prix à payer pour cette clémence a été l’internement dans un asile.
II y a passé plusieurs semaines, enfermé dans un lieu où il n’avait rien à faire, mais qui lui a sauvé la vie.
C’est depuis cet endroit qu’il a écrit cette lettre à ses parents.
Il y demandait pardon, leur confiait son sentiment de honte, son chagrin, et décrivait ce qu’il vivait dans cet asile.
À travers ses mots, je percevais non seulement la souffrance de cet homme si jeune, mais aussi une force intérieure et une conviction qui, d’une certaine manière, avaient provoqué toute cette aventure.
Découvrir cet épisode de sa vie, tant d’années après qu’il s’est produit, a été bouleversant pour moi.
Cette lettre datait de onze ans avant ma naissance, et, comme il est mort jeune, je ne l’ai connu que 9 ans.
J’ai donc décidé de me lancer dans ces études de graphologie que je suivais à côté de mon travail et de ma vie de famille, afin de découvrir la personnalité, le caractère de mon père, sans m’en remettre aux personnes qui l’avaient connu.
J’ai raconté cette histoire à mon petit-fils qui a été très frappé.
Il m’a demandé ce que j’avais trouvé dans l’écriture de son arrière-grand-père… il a eu l’air très intéressé, d’autant que je lui ai montré la lettre et les rares photos que je possède de lui.
Ensuite, j’ai ramené la conversation dans des eaux plus joyeuses.
Nous avons parlé de l’âge et, au terme de cette discussion plutôt amusante, nous avons tiré un petit bilan nourri de mes consignes:
– Aurélien, alors… à quel âge est-on vieux?
– A 103 ans!
– Parfait! A 90 ans, on est…
– … assez âgé.
– A 80?
– Un peu moins jeune.
– Et à 65 – 79?
– Jeune mais plein d’expérience!
– Tu as tout compris!
Ensuite, nous avons joué.
Un de ces jeux loufoques qui part de rien et qui finit en bataille rangée.
Nous étions assis côte à côte sur le canapé à jouer sur nos tablettes en échangeant nos impressions.
A un moment, il décide de me taquiner et, bien entendu, je réagis.
– Si tu continues, tu passes à la torture! Je te fouette et je te saucisonne avec le plaid!
Je prends la couverture toute légère qui trône sur le canapé et je joins le geste à la parole.
Il est écroulé de rire, mais ne se laisse pas faire… attrape la couverture et tire de toutes ses forces tandis que je pousse des cris de goret:
– Au secours!!! Il vole la prison!!!
Mon fils, qui est arrivé sur ces entrefaites, regarde son fils et, avec un air très sérieux, lui dit:
– Aurélien, voyons! Il faut faire attention avec les personnes âgées…
Le « QUOI?! » que j’ai poussé a déclenché un fou rire général qui a duré longtemps.
A chaque fois que l’un de nous regardait les autres, nous repartions de plus belle…
Bien plus tard, alors que j’étais à nouveau en tête-à-tête avec mon mini complice, j’ai demandé:
– Tu vas prendre de bonnes résolutions pour 2025, toi?
– Je ne crois pas, non. Et toi?
– Oui, une.
– Laquelle?
– Je vais enfin m’appliquer à devenir une vraie mamy sérieuse et sage.
Il m’a regardé avec un air horrifié et sa réponse a fusé:
– NON!!!! Surtout pas!!!
Et le fou rire a redémarré…