Lundi, nous avons eu la visite d’un ami de passage.
Mon capitaine, fidèle à ses habitudes d’hospitalité décontractée, l’a accueilli dans la véranda et comme il le fait souvent, il a sorti une planchette, un bon couteau, et un saucisson de belle taille.
Quelques tranches plus tard, les deux compères se régalaient, confortablement installés autour de la table basse.
Rien ne laissait présager la suite.
Car c’est alors que Pomme, ma petite bichon havanais de quinze ans s’en est mêlée.
Pomme, c’est une vieille dame.
Une petite chienne qui décline doucement, qui avance lentement, les gestes ralentis, le regard un peu perdu, souvent ailleurs. Elle ne réagit plus comme avant.
Elle semble flotter dans un monde à part, où tout devient flou.
Mais ce jour-là, l’odeur irrésistible du saucisson l’a transformée.
En un éclair – un éclair version Pomme, mais un éclair tout de même – elle s’est approchée de la table, a levé la tête, et avant que quiconque ne réalise ce qui se passait… elle a saisi le saucisson.
Pas une tranche: le saucisson entier.
Elle ne l’avait jamais fait auparavant.
Elle l’a attrapé comme une pro, et elle a filé.
Mon Capitaine et notre ami étaient bouche bée.
Moi aussi.
On aurait dit une scène de dessin animé, et nous étions figés entre fous rires contenus et inquiétude.
Je l’ai interceptée comme j’ai pu, comprenant qu’il ne me suffirait de lui dire « Pomme, non » pour la faire revenir à la raison… Elle avait déjà coincé le saucisson dans sa gueule, bien calé.
Elle grognait doucement, comme pour me signaler que je n’aurais pas son butin.
J’ai tenté de le lui retirer, en vain.
Elle serrait et tenait bon.
Toute fragile qu’elle soit, elle avait retrouvé des forces insoupçonnées.
Il a fallu que mon Capitaine vienne à la rescousse.
Longuement, le plus délicatement possible, il a fini par obtenir la reddition du saucisson, que Pomme ne semblait pourtant pas décidée à abandonner.
Personne n’en revenait.
Pomme, le temps d’un moment, a retrouvé sa jeunesse pour devenir chasseuse…